Aujourd’hui 27 septembre 2017 le Président français Macron et le Président du Conseil italien Paolo Gentiloni devraient sceller l’accord de cession du dernier grand chantier français à l’Italien Fincantieri.
Les chantiers de Saint Nazaire STX France changent ainsi à nouveau de mains après être passés par le norvégien AKER YARD et le Sud-Coréen STX.
De mains en mains
Né en 1862, un an après la création de la Compagnie Générale Transatlantique par les frères Pereires le chantier connut diverses fortunes et inscrivit en lettres d’or les plus grandes réalisations : « L’Impératrice Eugénie » (1864), le « Normandie » (1935), le « France » (1960), le « Sovereign of the Seas » (1986) premier d’une série de 3 sister ships, le « Queen Mary II » (2003) et l’actuel plus grand paquebot du monde le « Harmony of the Seas » (2016).
Au total plus de 200 paquebots sortiront des chantiers.
Les pétroliers n’étaient pas en reste puisque de ce chantier on sortit les ULCC « Batilus » « Guillaumat », « Prairial » et « Belamya » plus gros pétroliers jamais construits d’un port en lourd excédant les 550 000 tonnes. A l’époque les spécialistes pensaient même que les chantiers construiront des ultra-pétroliers d’un million de tonnes avant la fin des années 70. Entretemps la crise pétrolière et économique mondiale est passée par là…
Dotés de la plus grande forme de construction du monde totalisant 950 m les chantiers ont connu le pire en 2008-2009 où leur carnet de commandes connut une plongée fulgurante. Les effectifs commencèrent à fondre et on est passé de 5000 à 2 500 salariés aujourd’hui.
Avec la commande du croisiériste MSC en 2012 c’était à nouveau la remontée et le carnet de commandes est aujourd’hui assuré jusqu’à 2025 et la rentabilité est pleinement assuré.
Question : pourquoi l’Etat n’a-t-il pas effectivement exercé son droit de préemption et nationalisé définitivement ce fleuron de l’industrie française ?
Une nationalisation éclair…
Pourtant dès juillet 2017 et devant l’ultimatum de Fincantieri d’obtenir 51% des parts ou de retirer son offre (il est l’unique candidat à avoir présenté une offre de reprise) l’Etat a nationalisé les chantiers, nationalisation toute provisoire pour peser sur les négociations mais qui a coûté la bagatelle de 80 millions d’euros aux contribuables, que l’Etat promet de récupérer dès la cession réalisée.
Puisque les chantiers sont rentables, qu’ils représentent le savoir-faire français reconnus par tous, que ses activités représentent des millions d’heures de travail (23 à 37 millions d’heures pour les seules dernières commandes de Royal Carribean Cruises) dans un environnement où le travail et l’embauche font défaut pourquoi l’Etat ne va-t-il pas jusqu’au bout en nationalisant définitivement les chantiers et en récupérant ainsi les leviers de commande et de souveraineté ?
Doit-on toujours considérer que l’Etat doit socialiser les pertes (quand des entreprises ou secteurs vont mal) et privatiser les gains offrant ainsi au capital privé ce que les marchés ont de plus rentables ? Au nom de quel Credo ?
L’apologue de la main invisible d’Adam Smith a fait long feu et aujourd’hui il est nécessaire de repenser le rôle de l’Etat dans la création et distribution de richesses sociales.
La cession des Chantiers STX France à Fincantieri va créer un groupe d’envergure mondiale qui dominera pour un temps le marché de la construction navale, surtout des paquebots géants.
Quelle assurance peut avoir l’Etat français que l’essor de la demande mondiale de paquebot trouvera durablement sa réponse dans les chantiers de Saint Nazaire.
Pour un avenir incertain
Les lois acharnées de la concurrence mondiale démontrent et ont démontré (sidérurgie, automobile) que la recherche de plus de productivité et de réduction des coûts est le moteur de plus de croissance du point de vue micro-économique. Les actionnaires attendent des rendement élevés et l’industriel n’a plus le temps d’organiser son cycle de production comme il l’entend et l’entendait auparavant. Le cycle du capital financier est court lorsque le cycle du capital industriel (en particulier celui de la construction navale) est long. Il s’ensuit une quête constante de marchés plus rentables, à meilleur rendement. L’heure de travail du soudeur, de l’ajusteur, comme de l’ingénieur naval français est beaucoup trop chère par rapport à ses concurrents indien, chinois, croate ou Roumain.
Laisser le marché libre exprimer ses virtualités c’est regarder le train des délocalisations s’éloigner vers des destinations plus amènes. Le processus de désindustrialisation de la France, commencé depuis les années 70 ne ferait que s’affirmer.
Pour l’Etat, nous dirait-on, il y a d’autres enjeux. Les négociations en cours entre le même Fincantieri et l’ex DCNS aujourd’hui NAVAL GROUP. Le chantier sensible des bâtiments de guerre est en jeu et Fincantieri est également présent sur ce secteur.
Macron a exprimé son souhait de voir jetées les bases d’une défense et armée communes. Doit-on voir là également une volonté de jeter les bases d’industrie navale commune ? On aimerait le croire n’eut été la foire d’empoigne à laquelle on assiste entre Fincantieri et l’Etat français.